De Tarfaya à Layouune
Je me suis levé nauséeux, fatigué, courbaturé, et j'ai cru sentir tout le poids qu'il y avait à vivre dans une ville dont le sable fait tout pour ralentir l'activité. Ici le sommeil est un ensablement. En quelques coups de pédale, on est de nouveau dans le néant avec un léger sable qui fuse et tourbillonne sans plus jamais trouver d'obstacle. J'ai presque tout fait d'une traite jusqu'à Layouune et n'ai positivement rien vu qu'un petit village torpide, à 50 km, un camping un peu plus loin, une station essence à l'abandon, et , quand même , un immense sebkhat circonscrit par des falaises vertes et poudreuses comme des meringues. Et puis Layouune, enfin contre laquelle le plateau saharien vient buter en y perdant son élan. Le tout dans la même posture, nez dans le guidon, pour ne pas trop sentir cette espèce d'inertie de la route, trop droite, trop longue, trop déserte avec de part et d'autre un paysage uniforme et décoloré, ainsi qu'un traffic aujourd'hui quasi inexistant. Nous avons tout le loisir, un couple d'allemands et moi-même; de deviser chemin faisain et, dois-je ajouter, chemin nous encombrant. Au bout de 5 minutes, la route est toujours à nous, complaisante. Les deux finissent par me dépasser, se rangent un peu plus loin sur le bas côté pour me prendre en photo. Quelques regards encore à accrocher, tout de même.:: Deux paires d'yeux brillant comme des éclats de quartz au milieu des cailloux: deux femmes entièrement couvertes du voile et du caftan qui s'intriquent l'un dans l'autre de sorte qu'il n'y reste plus qu'une fente pour les yeux. Des ouvriers de voirie qui creusent, remblayent, goudronnent. Un homme seul, chiffonnier noirci qui martèle un vieux baril d'essence. Le conducteur d'un camion qui ramasse son chargement d'oranges, pêle mêle sur la route. Tout cela sur la scène démesurément ouverte et minimaliste du désert. J'ai l'impression de recenser un à un les personnages d'un incommensurable huit-clos. Heureusement qu'il y a ce fil conducteur de la route et cette impression grâce à elle qu'un jour le rideau va se baisser sur cette désolation. Voilà celui de Layouune.
SUITE PR PLUS TARD